Histoire du quartier Queyrie version Imprimable    ( 16 pages)          

 

 

        La Bastide, est ce quartier populaire rattaché à la rive gauche de Bordeaux  par le vieux pont de Pierre, commandé jadis par Napoléon. La rive droite est scindée par cette immense avenue, bordée de platanes et baptisée,  "Avenue Thiers". Elle était, à ne pas en douter, la frontière tacite qui délimitait le quartier de la Benauge  à celui de Queyries. Deux quartiers d'ouvriers, avec leurs mêmes difficultés, les  mêmes joies et leurs même drames.

Queyries n'existe plus, les bâtiments modernes et des bureaux à perte de vue ont remplacés le vieux quartier ou il faisait  bon vivre.

 

En fermant les yeux je repense au quartier :              

Les quais arborés, nous contaient les saisons qui rythmaient la vie des hommes. Il suffisait de franchir la route principale qui longeait les berges pour se retrouver face à la Garonne, ce fleuve, que dis-je, cette mer, qui nous paraissait infranchissable et dont nous nous méfions connaissant les dangers . Nous avions en tête le récit des adultes,  parlants des infortunés qui avaient laissé leur vie dans les flots. C'est à marée basse sur la vase traîtresse que nous chinions les plombs, et hameçons accrochés par les pêcheurs du plein mer ainsi que les bâtons aux formes irréelles que le fleuve avait charrié. Armés de cannes à pêches artisanales, confectionnées à la hâte sur les berges, nous ramenions, pour notre plus grande satisfaction, des anguilles et autres poissons de rivières, qui amélioraient l'ordinaire, quand nous n'improvisions pas nous même un festin à l'insu de nos parents, autour d'un feu, bien à l'abri du vent, entre les gigantesques grues qui surplombaient les Grands Moulins de Bordeaux de l'époque.

Notre terrain de jeux était le fleuve et ses proches environnements.
Nul besoin d'arme à feu pour partir en safari. Nous étions peu à avoir lu "la guerre des boutons" mais nous confectionnions des frondes digne des héros de cette histoire. Gonflés de courage, tel le chasseur masaï nous partions combattre le rois de ces lieux. Nos lions à nous avaient trouvé demeure sur les rives du fleuves. Nous chassions ces rongeurs par bravoure car l'idée du rat dangereux et rusé, était répandue même dans les écoles. C'était notre acte d'utilité publique en quelque sorte. Aussi silencieux et patient qu'un
chat, nous nous approchions des berges avec nos frondes armées, prêt a cribler de projectiles l'animal que nous surprenions. Je  dois dire qu'il y avait parfois des rats de taille respectable et très honnêtement  je doute que tout seul, un d'entre nous  se serait risqué d'approcher d'aussi près  le rongeur qui pour défendre sa vie aurait été capable d'attaquer. Nous affichions nos tableaux de chasse sur la bordure du trottoir, effrayant  par la même occasion certaines mamies qui avaient une peur viscérale de ces bêtes.

Pour voir passer le Mascaret  nous usions de stratagèmes élaborés envers l'instituteur, que je n'ose même pas  divulguer par peur de faire des émules. C'était un spectacle dont nous ne nous lassions pas, beau et effrayant à la fois. Cette ambivalence le rendait encore plus féerique, et la déferlante nourrissait notre imaginaire durant des heures.
Cependant nous nous devons de saluer cet instituteur, à la classe certaine, qui se nommait Monsieur Lespes. Un homme droit,  juste et plein d'esprit qui imposait le respect. Inutile de jouer au plus fin avec lui nous étions perdant à tous les coups. Il avait eu cet âge avant nous et n'avait pas dû être un saint lui non plus. Il parlait notre langage, avec ses mots bien entendu mais  nous nous comprenions, chose rare qui mérite d'être souligner.
Si parfois nous jurions à son encontre quand l'un de nous avait fait les frais d'une tirade de cheveux, ceux qui font mal, juste au dessus de l'oreille et qui force à la grimace, nous sommes unanime : 
Quel Prof  !
Pas facile de savoir si nous arrivions à le leurrer ou si il fermait les yeux, pour laisser libre cours à nos jeux d'aventure. Nous étions les conquistadors du fleuve. Nous n'avions pas de souci  pour trouver les matériaux servant à confectionner nos
radeaux. Les entreprises nombreuses à cette époque regorgeaient de  palettes, cordages et bidons de toutes tailles. Bien conscient que le fluide n'était pas notre élément naturel, informés de la dangerosité des courants, nous étions d'une prudence particulière. L'appel du fleuve restait cependant un défit permanent que nous relevions avec brio,  sans jamais déplorer le moindre accident, qui, on le sait ne sont jamais bénin lorsqu'ils interviennent.

Il arrive parfois que ce fleuve vienne lui même vous chercher. Les crues de la Garonne ne sont plus aussi fréquentes de nos jours , grâce aux différents travaux  entrepris. Cependant il est arrivé, jadis, que dans une colère passagère  la Garonne soit d'une humeur belliqueuse et s'étale de tout son long au-delà des berges, inondant les rues et les basses habitations. Monsieur Citroën, tel était le surnom que nous avions donné à ce garagiste d'une carrure impressionnante, était un homme calme et dévoué qui, les pieds dans l'eau, s'affairait à réguler la circulation, interdisant aux voitures de s'engager dans des rues trop inondées et dangereuses. Malgré sa bonne volonté il fut confronté bien entendu à des têtus. Certains durent payer le prix de leur insistance. Ses démonstrations de force nous confortaient dans notre opinion sur le garagiste, qui n'a jamais eu à se plaindre de notre comportement envers sa personne.
Courageux mais pas téméraire était aussi  une de nos devises...

Les deux Km de berges bordant le quartier faisaient face à la rive gauche  qui affichait avec ostentation son opulence , des quais des Saliniéres à la place des Quinconces.  Cette place est magique, cette place c'est: Le Cirque !..
Le Cirques était là, avec ses animaux, ses clowns, son chapiteau et ses odeurs de voyages. Nous nous placions en tout début de la rue Nuyens et observions de loin ce monde étrange qui suscite le rêve. La musique nous parvenait de loin, portée par les vents d'ouest, déposant sur la pierre des façades une invitation au voyage.

Les soirs d'été, à l'heure, ou la fraîcheur  s'installait doucement dans les rues, les chaises et autres tabourets apparaissaient sur les trottoirs. Les  parents s'installaient, savourant  un repos bien mérité et discutaient entre voisins. Nous jouions au ballon  sur la route déserte sous le regard vigilent des anciens. Parfois au loin, apparaissait la silhouette  d'un voisin qui rentrait par le dernier autobus. Son sac sur le dos, il marchait lentement, fourbu et courbé par la fatigue, il s'arrêtait quelques secondes  pour saluer nos parents et voisins avant de s'éloigner à nouveau vers sa demeure, toujours courbé par le poids d'une journée de labeur. Fier de nourrir leurs familles par la tache accomplie qui faisait de leurs mains des "patasses" râpeuses aussi dur que du bois, les migrants en ce temps avaient bien du mérite. C'était des temps difficiles et incertains. Il fallait être costaud pour supporter les galères du quotidien.
Il arrivait parfois que l'on s'invective ou même que l'on se cogne, afin de régler un différent ou répondre à une provocation souvent de nature éthylique, mais malgré ça un sentiment général de fraternité était omniprésent. 
C'est dans  ce quartier cosmopolite ou Maghrébins,  Portugais, juifs, Espagnols et  Français usaient leurs pantalons sur les bancs de la même école que  nous avons grandi.

Il me vient à l'esprit le souvenir de cette entreprise nommée Parias, placée au centre du quartier et qui ne faisait pas l'unanimité des résidants. En effet, cette bombes a retardement, ce brasier potentiel avait prit ses locaux  rue Nuyens  touchant  l'école des filles. C'était pas moins de vingt camions citernes transportant du carburant qui se trouvaient à cet endroit et qui mettaient la tranquillité pour ne pas parler de  la sécurité de tout un quartier en péril. L'anarchie urbanistique de cette époque est révolue pour le plus grand bien de tous. Les catastrophes industrielles de ces dernières décennies ont fini par faire changer les choses. Qui s'en plaindrait ? ....
Les pompiers de la caserne de la Benauge avaient conscience du redoutable danger qui guettait ce quartier et restaient vigilants face au moindre signe de feux ou fumée qui provenait du coin. Il faut dire que si il y avait eu un incendie dans l'entreprise cela aurait fait un sacré feu d'artifice sur la Bastide. Nous aurions eu doublement chaud car juste derrière le pâté de maison nous avions la
caserne militaire et sa garnison.

Nul doute que cet endroit enfermait  dans son armurerie quelques kg de poudre bien sèche. Nous observions les conscrits fagotés de leurs habits de sortie, marcher d'un pas décidé vers le Pont de Pierre afin de se payer un peu de bon temps en ville. Nous savions de source sûr que ces bidasses dévoués partaient honorer ces dames et dépenser utilement leur maigre solde. En ce temps là le monde n'était pas encore frappé par le virus destructeur qui condamne trop souvent l'amour libre à la peine de mort. Le SIDA  ne sévissait pas encore. Nos bidasses bien sympathique risquaient au pire une blennorragie ou une poussée d'Herpés. Ennuyeux mais rien de mortel.

Au coin de la rue nous avions un voisin qui passait souvent ses week-ends dans le Périgord dont il était originaire. Je ne sais vraiment pas pourquoi il était affublé du  nom de " la Chouette" mais nous le connaissions que sous ce pseudonyme de rapace nocturne. Est-ce dû au parallèle avec la chouette du Périgord ?  je ne puis l'affirmer...  
Nous l'écoutions nous raconter les festins interminables,  les tables  de chênes supportant les plateaux de jambon, les confits d'oie, les bocaux de fois de gras, les paniers de cèpes et autres truffes odorantes, tant de produits d'un terroir que nous ne pouvions même pas espérer humer les senteurs, tant ils étaient inabordable pour le petits budgets des ouvriers du quartier. Nous nous contentions de toiser sa panse d'un regard réprobateur mais envieux, non pas par l'opulence qu'elle affichait mais pour le contenu qu'elle avait vu passer.

A propos de voisin, il serait dommage de ne pas parler de cette femme, qui t'elle la Pie, trop vieille pour chaparder,  passait ses journées à observer derrière les rideaux ou les persiennes entrouvertes. Nous avions nous aussi notre colporteuses de ragots et rumeurs en tous genres. Chaque quartier a ses bien-pensants, ses personnes affables, ses grincheux, ses acariâtres et leur Pie. Cloîtrées dans leur vie prosaïque, déchirées par l'ennuie et la banalité du temps qui passe, les " Pies" s'inventent un monde ou tous le monde serait à leur instar, malheureux, aigris et jaloux du bonheur d'autrui. Inutile d'énumérer le nombre de ses victimes le temps n'y suffirait pas. Cependant nous pouvons noter qu'au fil des années sa crédibilité fut entachée et son pouvoir de nuire diminua, tant sa réputation était passé dans les méandres de chaque impasse du quartier.

Ne pas parler de notre bourgeois serait une impasse impardonnable. Oui vous avez bien entendu Bourgeois !..
Dans ce coin désœuvré, dans ce concentré de prolétaires, s'affichait la maison du notable. Au fond de la rue Nuyens, nous pouvions apercevoir cette demeure aux lignes parfaites. Le ravalement périodiques de la façade  défiait le temps et les intempéries,  laissant un mur immaculé, interdisant toute emprise à la noirceur qui avait frappé depuis des décennies la pierre des maisons environnantes. Le propriétaire de ces lieux était un homme distingué grand et droit comme un " I" qui  semblait heureux de sa condition. Bien que différent de nous, il devait à n'en point douter, être un homme de caractère et de principe. Se mélanger aux  pauvres lorsque l'on est riche n'est pas si courant. Nous avions adopté cette silhouette qui nous était devenue familière, allant même jusqu'a la saluer. Nous n'étions frappé d'aucune jalousie malsaine, puisqu'il constituait un peu notre fierté car nous pouvions nous aussi parler de notre notable. Preuve que nous n'étions pas qu'un quartier de "peigne cul" dépourvue d'élite. Parfois la nuit nous l'apercevions au loin dans son trois quart en laine, le chapeau sur la tête, s'arrêter quelques seconde, pour se protéger du vent afin d'allumer sa pipe. Il dégageait de lui une aura énigmatique, tel le héro d'un roman de série noire. Notre bourgeois, homme respecté et poli devait sans nul doute être détenteur de lourds secrets pour être si solitaire.

Non loin du quartier,  telle une dame figée pour l'éternité, s'érigeait l'église Sainte Marie qui voyait défiler les pieux habitants de toute la bastide. Les rues environnantes grouillaient  en temps normal des allez retours des livreurs et autres camions qui réapprovisionnaient les entreprises nombreuses à cette époque. Cependant le dimanche dérogeait à la règle  du "broua" et laissait place  à un calme peu habituel, propice au recueillement de certains. Cet édifice séculaire avait vu passer nombre d'entre nous à multiple occasions. On y célébrait les baptêmes, mariages, les communions et bien entendu les enterrements qui rythment le cycle immuable de la vie, nous rappelant à ces occasions que nous ne sommes qu'un souffle éphémère sans aucune emprise sur le destin. Bien entendu cette prise de conscience existentielle n'a pas cours pour un adolescent insouciant et plein de vie. Pendant que nos parents s'acquittaient de leur messe hebdomadaire, nous  nous retrouvions autour des flippers et  babi foots au bar tabac Chez Marianne. La cigarette aux lèvres, les Monacos posaient sur les tables  nous affichions  l'arrogance  que l'adolescence  autorise et attendions secrètement l'apparition de nos futures  barbes. Parfois à nous entendre parler comme des hommes, nous suscitions le sourire  de quelques clients venus, en ce jour dominical, se retrouver autour d'un café et entretenir l'amitié ou le bon voisinage. Le clocher, perché au sommet du ciel, s'animait vers midi dans un concert assourdissant, annonçant la fin de ce que nous considérions  comme l' homélie à éviter. Nous brillons en ce lieu par notre absence, pour le plus grand bonheur des fidèles débarrassés des trublions ingérables.

L'église n'a pas fait les frais de la réhabilitation, elle demeure à sa place semblant éternelle, bordée de  platanes. Son parvis poli par le temps et les hommes ouvre la marche vers cette immense porte de bois qui conduit à l'antre de l'église.
En revanche les repères de jadis n'existent plus, les meubles Perret indétrônables durant des décennies ont laissé place aux banques, la gare routière est défigurées, les rues rebaptisées, certaines disparues et les maisons situées  à l'ouest ont laissé  place à d'immenses parkings.

 

Malgré la vigilance de nos parents, inutile de dire que la loi de la rue, avec ses codes et parfois ses déviances, nous a régis  durant une bonne partie de l'adolescence. Les valeurs que nous prônions étaient plus fondées sur les faits illicites que sur l'excellence scolaire. Les dimanches étaient, pour bon nombre, des journées monotones, mais pas pour nous. Un coin du quartier s'animait au confins de la route. Un grand Conforama trônait là, face à la Garonne affichant son enseigne ostentatoire  comme pour inviter les résidents de l'autre rive à venir s'alléger le porte-monnaie et cautionner ce fameux dogme de la consommation. Des dizaines de voitures étaient garées sur toute la zone environnante car le parking mal pensé et trop exiguë ne pouvait recevoir le flux  de véhicules de ces journées particulières. Les larcins de toutes sortes étaient au rendez-vous et c'est au repli, sur un banc des quais que nous comparions nos butins, souvent bien maigre, mais ils avaient tous ce goût d'adrénaline que procure l'interdit. Nous n'avions pas conscience de la bêtise de nos actes. Il est à noter que nos exactions ne s'appliquaient jamais aux résidents du quartier. La peur d'entacher la famille d'une sale réputation était trop grande ainsi que les règlements de comptes avec les parents qui, sans aucun doute, n'auraient pas été une partie de plaisir. Je pense également qu'il y avait une notion de respect envers les anciens, qui érigeait une barrière que nous ne pouvions franchir.

Parallèlement à tout ça, et pour le salut de bon nombre, nous avions notre quartier général construit en bordure de Garonne, qui n'était autre que le centre d'animations dirigé par un homme très volontariste. Enfin quelqu'un qui pouvait nous comprendre !
Ce préfabriqué c'étaient notre château. Nous pouvions nous initier à plein de disciplines sportives et culturelles.
Les subventions ne suffisant pas pour organiser nos projets de sorties, le directeur, cet homme à l'inventivité débordante, eu l'idée de créer plusieurs manifestations afin de récolter des fonds. Je me souviens particulièrement  de la
fête de l'Alose. La paternité de cette fête est discutée puisque, autant que  m'en souvienne, c'elle-ci eu lieu  au centre d'animation de Queyries. Depuis d'autres l'ont reprise à leur compte et elle est aujourd'hui une manifestation incontournable jusque dans le vieux Lormont. Ces fameuses  fêtes nous permirent tout simplement de pouvoir nous payer les sorties dont nous rêvions et ça grâce à la volonté d'un homme.  Certains devenaient des férus de tennis de table, d'autres du tennis, d'autres s'adonnaient aux échecs, d'autres encore se découvraient une passion pour la photo, c'était vraiment un lieu de convivialité qui devint vite indispensable  à la tranquillité du quartier.

Il est inconcevable d'aborder le centre d'animation sans parler de cet homme à l'humour ravageur mais à la dévotion sans pareille. Cet homme qui a initié durant des années des dizaines de mômes de la Bastide aux joies  de la guitare, apportant par ce fait des trombes d'allégresse  sur des vies prosaïques se nomme J.Noël Gallego. Il avait contribué à consolider la passerelle qui reliait  Queyries à la Benauge au travers des l'activités culturelles à l'instar de cette vieille passerelle en style Effel qui enjambait la gare d'Orléans pour raccorder ces deux quartiers de la bastide.  Nous gardons en mémoire les rallyes pédestres dans la Haute Vienne , les week-ends à Pissos dans les Landes, les concerts ou nous produisions, les soirées thématiques et bien d'autres activités  qu'il animait pour notre plus grand bonheur. Bien que d'une génération plus ancienne, nous le traitions avec la familiarité qui caractérise les relations entre  ados. Son départ fut une perte irremplaçable et bon nombre, plus de 20 ans après, on en parlent encore.  Son départ fut une perte irremplaçable et bon nombre, plus de 20 ans après, en parlent encore.

Ce préfabriqué construit là, à quelque mettre du fleuve, a participé durant des années à l'épanouissement des mômes du quartier. Beaucoup ont découvert la mer et la montagne grâce à ce petit centre d'animations. Mais toute chose à une fin malheureusement. Délimité par des  haies de buissons taillées et d'une petite clôture grillagée, il prit feu une nuit, ne laissant au petit matin qu'un tas de cendre fumante. Cette nuit là se sont des locaux chèrement défendus durant des années qui s'envolèrent en fumée, emportant avec eux  l'espoir et le souvenir de toute une époque, un symbole de la culture accessible à tous, mais également une partie de l'âme de ce quartier.

Heureusement, pour nous calmer un peu, vinrent les filles et le temps des amours. Nous pouvons dire, sans trop nous tromper, que la gente féminine, à l'instar de la musique, calme les moeurs. Dans un premier temps, il n'était pas facile d'aborder le sexe dit "faible " face à face malgré nos grands airs et nos grandes gueules. La drague se faisait en groupe et la découverte des rondeurs intimes toujours à plus de deux mains. Les choses évoluèrent dés lors qu' il fallut passer à une étape plus sérieuse, l'intimité s'imposait car nous n'étions pas non plus des sauvages.
Le quartier  possédait en son sein un beau panel de belles plantes, aussi curieuses que nous de découvrir les plaisirs défendus et surtout  lever le voile sur ce secret pour ne pas dire ce tabou qu'est l'acte sexuel. L'envie de plaire nous envahissait et nous faisions des pieds et des mains pour ne plus avoir l'air de chiffonniers face à ces demoiselles. Avec l'âge et ce foutu besoin de plaire  les vélos  avaient laissé la place aux mobylettes. Ce moyen de locomotion nous ouvrait effectivement d'autres perspectives et nos possibilités de déplacement étaient considérablement accrues. Le budget aussi devait s'accroître, entre l'essence et l'entretien des cyclos, c'était plus les mêmes dépenses. C'était la
 
" démerde" comme on dirait trivialement. Nous ne roulions pas sur l'or mais il y'avait, à ne pas en douter plus malheureux que nous.  Nous récupérions dans les boites à lettres les bons de réductions publicitaires distribués quelques heures avant. Nous allions aussi voir cette mer intarissable qui nous rejetait des bouteilles consignées que nous échangions ainsi que ces fameux bons à un petit commerçant contre de la nourriture, ce qui nous permettait d'organiser nos pique-niques à moindre frais. Nous étions nombreux à former des couples  sur les siéges biplace de nos cyclomoteurs et à partir à la découverte des campagnes environnantes. Avec les filles vinrent aussi les premiers chagrins et les première gifles que la vie se charge de vous infliger.

Comment ne pas parler des  soirées d'euphorie et des nuits éthyliques ?
Les interdits, ont le sait, éveillent la curiosité et le désire d'être franchis. Les jus de fruits avaient laissé place à la bière et certains alcools forts. Désinhibés au paroxysme, nous commencions à considérer l'alcool comme un bienfait des hommes et ne nous en privions pas.

" Avoir le foi chagrin dans le pays du vin c'est être patriote" nous disait un chanteur en vogue à cette époque et nous adhérions sans retenue au slogan. La gageure se situait dans le retour à la maison. Comment entrer sans éveiller les parents ou ne pas se faire surprendre par un membre de la famille encore debout?.
Pas facile de tenir l'équilibre quand tout chancelle autour de soi. Parfois le lendemain nous jouions au persifleur quand l'un d'entre nous affichait le teint blanc d'un cierge et jurait de ne jamais y retoucher. Je dois dire que pour un petit nombre  il aurait mieux valu qu'il n'y touchent jamais car l'abus l'alcool n'est effectivement pas ce qu'on fait de mieux pour vivre vieux....
Puis vint la période des
substances illicites, qui pour un nombre non négligeable fut salutaires puisqu'elles nous  permit de délaisser cet alcool, dans lequel nous ne trouvions plus vraiment de plaisir tant les lendemains étaient difficiles. Le pétard si décrié  aujourd'hui ( à tort ou à raison) nous  ouvrit de nouveaux horizons. Les  soirées interminables à refaire le monde, les délires a s'extasier devant  une nuit étoilée, les fous-rires interminables que l'on ne pouvait objectivement expliquer, autant de souvenirs qui restent gravés à tout jamais dans la tête ce ceux qui l'ont vécu. La Garonne comme seule témoin, dissimulés derrière les berges, nous roulions nos pétards dans un rituel presque sacré et nous faisions tourner le calumet de la fête, avant d'entrer dans  des discussions interminables oubliant parfois de rentrer.
Les plus pénalisés étaient évidement ceux qui étaient encore scolarisés. Les nuits étaient courtes, et comment leur en vouloir ensuite de dormir  sur les bancs  des cours ?
N'en faisons pas l'apologie, relatons simplement les souvenirs du quartier, qui ne se résument pas à une période de certains d'entre nous, même si les pierres des maisons qui bordaient les ruelles sombres du vieux quartier ont au fond de leurs âmes l'emprunte de ce vécu.             

Il existe des phrases, des mots, des images,  qui perdurent.
Comme dans toute zone habitée la vie s'exprime.
Les sons, les odeurs, les langues et parfois les corps se mélangent. Les quartiers populaires connaissent en général la promiscuité. Il vaut mieux les éviter pour une retraite méditative. Sans vouloir extrapoler sur l'idée première des dires, et politique mise à part, monsieur  Chirac à droit de citer dans la collection de sculptures grâce à ses propos,  que beaucoup ont mal compris et interprétés comme une agression verbale. Malgré ces maisons modestes, à l'image du pouvoir d'achat des ces habitants, beaucoup peuvent dire qu'ils ont eu la chance de vivre ici. L'appel ne l'abbé Pierre raisonne encore dans bien des têtes, nos parents en témoignaient y'a pas si longtemps. Nous avions un toit !..
Nous étions de Queyries, Un village, une grande famille, autant dire que les préoccupations politique de Paris ne parvenaient que rarement jusqu'a nous. Mais il arrive  que parfois une phrase interpelle parce qu'elle touche au mauvais moment, au mauvais endroit.
Les exilés du quartiers Queyries se reconnaîtrons a n'en point douter. Les pierres qui rythme cette histoire ont toutes été récupérées durant la destruction du quartier. Elles ont abritées des générations d'hommes et de femmes, elles ont vu naître et mourir, elles ont protégé du vent et du froid toute une population. Leur donner une seconde vie est le meilleur hommage que l'on puisse leur rendre.
Comme il serait heureux que  vous qui passez sur cette page et qui avez pris la peine de lire ce texte qui relate une époque et un quartier qui n'existe plus , vous puissiez tout simplement éprouver un fond de compassion et comprendre la nostalgie que l'on peut éprouver lorsque l'on à vécu dans ce quartier populaire qui n'a plus vie désormais que dans les mémoires. Vous seriez notre
De Gaulle a nous
 " Je vous ai compris" !....
On est pas d'un pays ni même d'une ville, on est simplement d'un quartier !...

 

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