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photos miniatures pour les agrandir. Au fil de l'histoire
vous rencontrerez des liens oranges qui vous mèneront à la pierre
qui à un rapport direct avec le sujet. Bonne visite.
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La Bastide, est ce
quartier populaire rattaché à la rive gauche de Bordeaux par
le vieux pont de Pierre, commandé jadis par Napoléon. La rive droite
est scindée par cette immense avenue, bordée de platanes et
baptisée, "Avenue Thiers". Elle était, à ne pas en douter, la
frontière tacite qui délimitait le quartier de la Benauge à
celui de Queyries. Deux quartiers d'ouvriers, avec leurs mêmes
difficultés, les mêmes joies et leurs même drames.
Queyries n'existe plus, les bâtiments
modernes et des bureaux à perte de vue ont remplacés le vieux
quartier ou il faisait bon vivre.
En fermant les
yeux je repense au quartier :
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Les quais arborés,
nous contaient les saisons qui rythmaient la vie des hommes. Il
suffisait de franchir la route principale qui longeait les
berges pour se retrouver face à
la Garonne,
ce fleuve,
que dis-je, cette mer, qui nous paraissait infranchissable et
dont nous nous méfions connaissant les dangers . Nous avions en
tête le récit des adultes, parlants des infortunés qui
avaient laissé leur vie dans les flots. C'est à marée basse sur
la vase traîtresse que nous chinions les plombs, et hameçons
accrochés par les pêcheurs du plein mer ainsi que les bâtons aux formes irréelles que le
fleuve avait charrié. Armés de cannes à pêches artisanales,
confectionnées à la
hâte sur les berges, nous ramenions, pour notre plus grande
satisfaction, des anguilles et autres poissons de rivières, qui
amélioraient l'ordinaire, quand nous n'improvisions pas nous même un
festin à l'insu de nos parents, autour d'un feu, bien à l'abri du
vent, entre les gigantesques grues qui surplombaient les Grands
Moulins de Bordeaux de l'époque.
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Les grandes grues des Grands Moulins
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Les grands moulin De Bordeaux
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Notre terrain de jeux était le fleuve et ses proches
environnements. Nul besoin d'arme à feu pour partir en
safari. Nous étions peu à avoir lu "la guerre des boutons" mais
nous confectionnions des frondes digne des héros de cette
histoire. Gonflés de courage, tel le chasseur masaï nous
partions combattre le rois de ces lieux. Nos lions à nous
avaient trouvé demeure sur les rives du fleuves. Nous chassions
ces rongeurs par bravoure car l'idée du rat dangereux et rusé,
était répandue même dans les écoles. C'était notre acte d'utilité publique en quelque sorte. Aussi
silencieux et patient qu'un
chat,
nous nous approchions des berges avec nos frondes armées, prêt a cribler de
projectiles l'animal que nous surprenions. Je dois dire qu'il y avait
parfois des rats de taille respectable et très honnêtement je doute
que tout seul, un d'entre nous se serait risqué d'approcher d'aussi près
le rongeur qui pour défendre sa vie aurait été capable d'attaquer. Nous
affichions nos tableaux de chasse sur la bordure du trottoir, effrayant
par la même occasion certaines mamies qui avaient une peur viscérale de ces
bêtes.
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Les berges de la Garonne
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Les rats de la Garonne
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Pour voir passer le Mascaret nous usions de stratagèmes élaborés
envers l'instituteur, que je n'ose même pas divulguer par peur de
faire des émules. C'était un spectacle dont nous ne nous lassions pas, beau et
effrayant à la fois. Cette ambivalence le rendait encore plus féerique,
et la déferlante nourrissait notre imaginaire durant des heures. Cependant nous nous devons de saluer cet instituteur, à la classe
certaine, qui se nommait
Monsieur
Lespes. Un homme droit, juste et plein d'esprit qui imposait le
respect. Inutile de jouer au plus fin avec lui nous étions perdant à
tous les coups. Il avait eu cet âge avant nous et n'avait pas dû être un
saint lui non plus. Il parlait notre langage, avec ses mots bien entendu
mais nous nous comprenions, chose rare qui mérite d'être
souligner. Si parfois nous jurions à son encontre quand l'un de nous
avait fait les frais d'une tirade de cheveux, ceux qui font mal,
juste au dessus de l'oreille et qui force à la grimace, nous
sommes unanime :
Quel
Prof ! Pas facile de savoir si
nous arrivions à le leurrer ou si il fermait les yeux, pour
laisser libre cours à nos jeux d'aventure. Nous étions les
conquistadors du fleuve. Nous n'avions pas de souci pour
trouver les matériaux servant à confectionner nos
radeaux.
Les entreprises
nombreuses à cette époque regorgeaient de palettes, cordages et
bidons de toutes tailles. Bien conscient que le fluide n'était pas notre
élément naturel, informés de la dangerosité des courants, nous étions
d'une prudence particulière. L'appel du fleuve restait cependant un
défit permanent que nous relevions avec brio, sans jamais déplorer le
moindre accident, qui, on le sait ne sont jamais bénin lorsqu'ils
interviennent.
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Le Mascaret
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Il arrive parfois que ce fleuve vienne lui même vous chercher. Les crues
de la Garonne ne sont plus aussi fréquentes de nos jours , grâce aux
différents travaux entrepris. Cependant il est arrivé, jadis, que
dans une colère passagère la Garonne soit d'une humeur belliqueuse et
s'étale de tout son long au-delà des berges, inondant les rues et les
basses habitations.
Monsieur Citroën,
tel était le surnom que nous avions donné à ce garagiste d'une
carrure impressionnante, était un homme calme et dévoué qui, les pieds
dans l'eau, s'affairait à réguler la circulation, interdisant aux
voitures de s'engager dans des rues trop inondées et dangereuses. Malgré sa
bonne volonté il fut confronté bien entendu à des têtus. Certains durent
payer le prix de leur insistance. Ses démonstrations de force nous confortaient
dans notre opinion sur le garagiste, qui n'a jamais eu à se plaindre de
notre comportement envers sa personne. Courageux mais pas téméraire était aussi une de nos devises...
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Inondation dans le quartier
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Les deux Km de berges bordant le quartier faisaient face à la
rive gauche qui affichait avec ostentation son opulence , des quais
des Saliniéres à la place des Quinconces. Cette place est magique,
cette place c'est:
Le Cirque !..
Le Cirques était là, avec ses animaux,
ses clowns, son chapiteau et ses
odeurs de voyages. Nous nous placions en tout début de la rue Nuyens et
observions de loin ce monde étrange qui suscite le rêve. La musique nous
parvenait de loin, portée par les vents d'ouest, déposant sur la pierre des
façades une invitation au voyage.
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La place des Quinconces

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Les soirs d'été, à l'heure, ou la fraîcheur s'installait doucement
dans les rues, les chaises et autres tabourets apparaissaient sur les
trottoirs. Les parents s'installaient, savourant un repos
bien mérité et discutaient entre voisins. Nous jouions au ballon
sur la route déserte sous le regard vigilent des anciens. Parfois au
loin, apparaissait la silhouette d'un voisin qui
rentrait par le dernier autobus. Son sac sur le dos, il marchait
lentement, fourbu et courbé par la fatigue, il s'arrêtait quelques
secondes pour saluer nos parents et voisins avant de s'éloigner à
nouveau vers sa demeure, toujours courbé par le poids d'une journée de
labeur. Fier de nourrir leurs familles par la tache accomplie qui faisait
de leurs mains des "patasses" râpeuses aussi dur que du bois,
les
migrants
en ce temps avaient bien du mérite. C'était des temps difficiles et incertains. Il fallait être costaud pour supporter les
galères
du
quotidien. Il arrivait parfois que l'on s'invective ou même que l'on se
cogne, afin de régler
un différent ou répondre à une provocation souvent de nature éthylique,
mais malgré ça un sentiment général de fraternité était omniprésent.
C'est dans ce quartier cosmopolite ou Maghrébins,
Portugais, juifs, Espagnols et Français usaient leurs pantalons sur les bancs
de la même école que nous avons grandi.
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Les voisins assis sur des
chaises dans la rue
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Une rue détruite
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Il me vient à l'esprit le souvenir de cette
entreprise nommée Parias, placée au centre du quartier et qui
ne faisait pas l'unanimité des résidants. En effet, cette
bombes a retardement,
ce brasier potentiel avait prit ses locaux rue Nuyens touchant l'école des filles.
C'était pas moins de vingt camions citernes transportant du
carburant qui se trouvaient à cet endroit et qui mettaient la
tranquillité pour ne pas parler de la sécurité de tout un
quartier en péril. L'anarchie urbanistique de cette époque est
révolue pour le plus grand bien de tous. Les catastrophes
industrielles de ces dernières décennies ont fini par faire
changer les choses. Qui s'en plaindrait ? .... Les pompiers
de la caserne de la Benauge avaient conscience du redoutable
danger qui guettait ce quartier et restaient vigilants face au
moindre signe de feux ou fumée qui provenait du coin. Il faut
dire que si il y avait eu un incendie dans l'entreprise cela
aurait fait un sacré feu d'artifice sur la Bastide. Nous aurions
eu doublement chaud car juste derrière le pâté de maison nous
avions
la
caserne militaire
et sa garnison.
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École des filles
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Caserne des pompiers de la
Benauge
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Nul doute que cet endroit enfermait dans son armurerie quelques kg de
poudre bien sèche. Nous observions les conscrits fagotés de leurs habits de
sortie, marcher d'un pas décidé vers le Pont de Pierre afin de se payer un
peu de bon temps en ville. Nous savions de source sûr que ces bidasses
dévoués partaient honorer ces dames et dépenser utilement leur maigre solde.
En ce temps là le monde n'était pas encore frappé par le virus destructeur
qui condamne trop souvent l'amour libre à la peine de mort.
Le SIDA ne sévissait pas encore. Nos bidasses bien sympathique
risquaient au pire une blennorragie
ou une poussée d'Herpés.
Ennuyeux mais rien de mortel.
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Caserne Militaire Niel
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Au coin de la rue nous avions un voisin qui passait souvent ses week-ends
dans le Périgord dont il était originaire. Je ne sais vraiment pas pourquoi il
était affublé du nom de "
la
Chouette" mais nous le connaissions que sous ce pseudonyme de rapace
nocturne.
Est-ce dû au parallèle avec la chouette du Périgord ? je ne puis
l'affirmer... Nous l'écoutions nous raconter les festins interminables, les tables
de chênes supportant les plateaux de jambon, les confits d'oie, les bocaux
de fois de gras, les paniers de cèpes et autres truffes odorantes, tant de
produits d'un terroir que nous ne pouvions même pas espérer humer les
senteurs, tant ils étaient inabordable pour le petits budgets des ouvriers du
quartier.
Nous nous contentions de toiser sa panse d'un regard réprobateur mais
envieux, non pas par l'opulence qu'elle affichait mais pour le contenu
qu'elle avait vu passer.
A propos de voisin, il serait dommage de ne
pas parler de cette femme, qui
t'elle la Pie,
trop vieille pour chaparder, passait ses journées à observer derrière les rideaux
ou les persiennes entrouvertes. Nous avions nous aussi notre colporteuses de
ragots et rumeurs en tous genres. Chaque quartier a ses bien-pensants, ses
personnes affables, ses grincheux, ses acariâtres et leur Pie. Cloîtrées
dans leur vie prosaïque, déchirées par l'ennuie et la banalité du temps qui
passe, les " Pies" s'inventent un monde ou tous le monde serait à leur
instar, malheureux, aigris et jaloux du bonheur d'autrui. Inutile d'énumérer
le nombre de ses victimes le temps n'y suffirait pas. Cependant nous pouvons
noter qu'au fil des années sa crédibilité fut entachée et son pouvoir de
nuire diminua, tant sa réputation était passé dans les méandres de chaque
impasse du quartier.
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Le voisin
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La Pie derrière ses vieilles
persiennes
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Ne pas parler
de notre
bourgeois serait une impasse impardonnable. Oui vous avez
bien entendu Bourgeois !..
Dans ce coin désœuvré, dans ce concentré de prolétaires,
s'affichait la maison du notable. Au fond de la rue Nuyens, nous
pouvions apercevoir cette demeure aux lignes parfaites. Le
ravalement périodiques de la façade défiait le temps et
les intempéries, laissant un mur immaculé, interdisant
toute emprise à la noirceur qui avait frappé depuis des
décennies la pierre des maisons environnantes. Le propriétaire
de ces lieux était un homme distingué grand et droit comme un "
I" qui semblait heureux de sa condition. Bien que
différent de nous, il devait à n'en point douter, être un homme
de caractère et de principe. Se mélanger aux pauvres
lorsque l'on est riche n'est pas si courant. Nous avions adopté
cette silhouette qui nous était devenue familière, allant même
jusqu'a la saluer. Nous n'étions frappé d'aucune jalousie
malsaine, puisqu'il constituait un peu notre fierté car nous
pouvions nous aussi parler de notre notable. Preuve que nous
n'étions pas qu'un quartier de "peigne cul" dépourvue d'élite.
Parfois la nuit nous l'apercevions au loin dans son trois quart
en laine, le chapeau sur la tête, s'arrêter quelques seconde,
pour se protéger du vent afin d'allumer sa pipe. Il
dégageait de lui une aura énigmatique, tel le héro d'un roman de
série noire. Notre bourgeois, homme respecté et poli devait sans
nul doute être détenteur de lourds secrets pour être si
solitaire.
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Le bourgeois
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Non loin du quartier, telle une dame figée pour l'éternité, s'érigeait
l'église
Sainte Marie
qui
voyait défiler les pieux habitants de toute la bastide. Les rues
environnantes grouillaient en temps normal des allez retours des
livreurs et autres camions qui réapprovisionnaient les entreprises nombreuses
à cette époque. Cependant le dimanche dérogeait à la règle du "broua" et
laissait place à un calme peu habituel, propice au recueillement de
certains. Cet édifice séculaire avait vu passer nombre d'entre nous à
multiple occasions. On y célébrait les baptêmes, mariages, les communions et
bien entendu les enterrements qui rythment le cycle immuable de la vie, nous
rappelant à ces occasions que nous ne sommes qu'un souffle éphémère sans
aucune emprise sur le destin. Bien entendu cette prise de conscience
existentielle n'a pas cours pour un adolescent insouciant et plein de vie.
Pendant que nos parents s'acquittaient de leur messe hebdomadaire, nous
nous retrouvions autour des flippers et babi foots au bar tabac Chez
Marianne. La cigarette aux lèvres, les Monacos posaient sur les tables
nous affichions l'arrogance que l'adolescence autorise et
attendions secrètement l'apparition de nos futures barbes. Parfois à nous entendre parler comme des hommes, nous suscitions le sourire de
quelques clients venus, en ce jour dominical, se retrouver autour d'un café
et entretenir l'amitié ou le bon voisinage. Le clocher, perché au sommet du
ciel, s'animait vers midi dans un concert assourdissant, annonçant la fin de
ce que nous considérions comme l' homélie à éviter. Nous brillons en ce
lieu par notre absence, pour le plus grand bonheur des fidèles débarrassés
des trublions ingérables.
L'église n'a pas fait les frais de la
réhabilitation, elle demeure à sa place semblant éternelle, bordée de
platanes. Son parvis poli par le temps et les hommes ouvre la marche vers
cette immense porte de bois qui conduit à l'antre de l'église. En revanche les repères de jadis n'existent plus, les meubles Perret
indétrônables durant des décennies ont laissé place aux banques, la gare
routière est défigurées, les rues rebaptisées, certaines disparues et les
maisons situées à l'ouest ont laissé place à d'immenses parkings.
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Église Sainte Marie
Carte postale
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Bar
Chez Marianne
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Église Sainte Marie
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Malgré la vigilance de nos parents, inutile de dire que la loi de la rue,
avec ses codes et parfois ses déviances, nous a régis durant une bonne
partie de l'adolescence. Les valeurs que nous prônions étaient plus fondées
sur les faits illicites que sur l'excellence scolaire. Les dimanches
étaient, pour bon nombre, des journées monotones, mais pas pour nous.
Un coin du quartier s'animait au confins de la route. Un grand
Conforama
trônait là, face à la
Garonne affichant son enseigne ostentatoire comme pour inviter les
résidents de l'autre rive à venir s'alléger le porte-monnaie et cautionner
ce fameux dogme de la consommation.
Des dizaines de voitures étaient garées sur toute la zone environnante car
le parking mal pensé et trop exiguë ne pouvait recevoir le flux
de véhicules de ces journées particulières. Les larcins de toutes sortes
étaient au rendez-vous et c'est au repli, sur un banc des quais que nous
comparions nos butins, souvent bien maigre, mais ils avaient tous ce goût
d'adrénaline que procure l'interdit. Nous n'avions pas conscience de la
bêtise de nos actes. Il est à noter que nos exactions ne s'appliquaient
jamais aux résidents du quartier. La peur d'entacher la famille d'une sale
réputation était trop grande ainsi que les règlements de comptes avec les
parents qui, sans aucun doute, n'auraient pas été une partie de plaisir. Je
pense également qu'il y avait une notion de respect envers les anciens, qui
érigeait une barrière que nous ne pouvions franchir.
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Parallèlement à tout ça, et pour le salut de bon nombre, nous avions notre
quartier général construit en bordure de Garonne, qui n'était autre que le
centre d'animations dirigé par un homme très volontariste. Enfin quelqu'un
qui pouvait nous comprendre ! Ce préfabriqué c'étaient notre château. Nous pouvions nous initier à plein de
disciplines sportives et culturelles. Les subventions ne suffisant pas pour organiser nos projets de sorties, le
directeur, ( Michel Poulain
) cet homme à l'inventivité débordante, eu l'idée de créer
plusieurs manifestations
afin de récolter des fonds. Je me souviens particulièrement de la
fête de l'Alose.
La paternité de cette fête est discutée puisque, autant que
m'en souvienne, c'elle-ci eu lieu au centre d'animation de Queyries.
Depuis d'autres l'ont reprise à leur compte et elle est
aujourd'hui une manifestation incontournable jusque dans le
vieux Lormont. Ces fameuses fêtes nous permirent tout
simplement de pouvoir nous payer les sorties dont nous rêvions
et ça grâce à la volonté d'un homme.
Certains devenaient des férus de tennis de table, d'autres du tennis,
d'autres s'adonnaient aux échecs, d'autres encore se découvraient une
passion pour la photo, c'était vraiment un lieu de convivialité qui devint
vite indispensable à la tranquillité du quartier. Il est inconcevable
d'aborder le centre d'animation sans parler de cet homme à
l'humour ravageur mais à la dévotion sans pareille. Cet homme
qui a initié durant des années des dizaines de mômes de la
Bastide aux joies de la guitare, apportant par ce fait des
trombes d'allégresse sur des vies prosaïques se nomme
J.Noël Gallego. Il avait
contribué à consolider la passerelle qui reliait Queyries
à la Benauge au travers des l'activités culturelles à l'instar
de cette vieille passerelle en style Effel qui enjambait la gare
d'Orléans pour raccorder ces deux quartiers de la bastide.
Nous gardons en mémoire les rallyes pédestres dans la Haute
Vienne , les week-ends à Pissos dans les Landes, les concerts ou
nous produisions, les soirées thématiques et bien d'autres
activités qu'il animait pour notre plus grand bonheur.
Bien que d'une génération plus ancienne, nous le traitions avec
la familiarité qui caractérise les relations entre ados.
Son départ fut une perte irremplaçable et bon nombre, plus de 20
ans après, on en parlent encore.
Ce préfabriqué construit là, à quelque mettre du fleuve,
a participé durant
des années à l'épanouissement des mômes du quartier. Beaucoup ont découvert
la mer et la montagne grâce à ce petit centre d'animations. Mais toute chose
à une fin malheureusement.
Délimité par des haies de buissons taillées et d'une petite clôture
grillagée, il prit feu une nuit, ne laissant au petit matin qu'un tas de cendre
fumante. Cette nuit là se sont des locaux chèrement défendus durant des
années qui s'envolèrent
en fumée, emportant avec eux l'espoir et le souvenir de toute une
époque, un symbole de la culture accessible à tous, mais également une
partie de l'âme de ce quartier.
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Photo sur fond de
foyer des jeunes de Queyries
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Photo de la rive gauche au
lointain
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Heureusement, pour nous calmer un peu, vinrent
les filles
et le temps des amours. Nous pouvons dire,
sans trop nous tromper,
que la gente féminine,
à l'instar de la musique, calme les moeurs. Dans un premier temps, il
n'était pas facile d'aborder le sexe dit "faible " face à face malgré nos
grands airs
et nos grandes gueules. La drague se faisait en groupe et la découverte des
rondeurs intimes toujours
à plus de
deux mains. Les choses évoluèrent dés lors qu' il fallut passer à une
étape plus sérieuse, l'intimité s'imposait car nous n'étions pas non plus
des sauvages. Le quartier possédait en
son sein un beau panel de belles plantes, aussi curieuses que nous de
découvrir les plaisirs défendus et surtout lever le voile sur ce
secret pour ne pas dire ce tabou qu'est l'acte sexuel. L'envie de plaire
nous envahissait et nous faisions des pieds et des mains pour ne plus avoir
l'air de chiffonniers face à ces demoiselles. Avec l'âge et ce foutu besoin
de plaire les vélos avaient laissé la place aux mobylettes. Ce moyen de locomotion
nous ouvrait effectivement d'autres perspectives et nos possibilités de déplacement
étaient considérablement accrues. Le budget aussi devait s'accroître, entre
l'essence et l'entretien des cyclos, c'était plus les mêmes dépenses.
C'était la
"
démerde"
comme on dirait trivialement. Nous ne roulions pas sur l'or mais il
y'avait, à ne pas en douter plus malheureux que nous. Nous récupérions
dans les boites à lettres les bons de réductions publicitaires distribués
quelques heures avant. Nous allions aussi voir cette mer intarissable qui
nous rejetait des bouteilles consignées que nous échangions ainsi que ces
fameux bons à un petit
commerçant contre de la nourriture, ce qui nous permettait d'organiser nos
pique-niques à moindre frais. Nous étions nombreux
à former des couples sur les siéges biplace de nos cyclomoteurs et à
partir à la découverte des campagnes environnantes. Avec les filles vinrent
aussi les premiers chagrins et les première gifles que la vie se charge de
vous infliger.
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Nos premiers
amours
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Nos petites démerdes
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Comment ne pas parler des soirées d'euphorie et des nuits éthyliques
? Les interdits, ont le sait, éveillent la curiosité et le désire d'être
franchis. Les jus de fruits avaient laissé place à la bière et certains
alcools forts. Désinhibés au paroxysme, nous commencions à considérer
l'alcool comme un bienfait des hommes et ne nous en privions pas.
" Avoir le foi chagrin dans le pays du vin c'est être patriote" nous disait
un chanteur en vogue à cette époque et nous adhérions sans retenue au
slogan. La gageure se situait dans le retour à la maison. Comment entrer
sans éveiller les parents ou ne pas se faire surprendre par un membre de la
famille encore debout?.
Pas facile de tenir l'équilibre quand tout chancelle autour de
soi. Parfois le lendemain nous jouions au persifleur quand l'un
d'entre nous affichait le teint blanc d'un cierge et jurait de ne jamais y
retoucher. Je dois dire que pour un petit nombre il aurait mieux
valu qu'il n'y touchent jamais car l'abus l'alcool n'est effectivement pas
ce qu'on fait de mieux pour vivre vieux.... Puis vint la période des
substances
illicites,
qui pour un nombre non négligeable fut salutaires
puisqu'elles nous permit de délaisser cet alcool, dans lequel nous ne
trouvions plus vraiment de plaisir tant les lendemains étaient difficiles.
Le pétard si décrié aujourd'hui ( à tort ou à raison) nous
ouvrit de nouveaux horizons. Les soirées interminables à
refaire le monde, les délires a s'extasier devant une nuit étoilée, les fous-rires interminables que l'on ne pouvait objectivement expliquer, autant de
souvenirs qui restent gravés à tout jamais dans la tête ce ceux qui l'ont
vécu. La Garonne comme seule témoin, dissimulés derrière les berges, nous
roulions nos pétards dans un rituel presque sacré et nous faisions
tourner le calumet de la fête, avant d'entrer dans des discussions
interminables oubliant parfois de rentrer. Les plus pénalisés étaient évidement ceux qui étaient encore scolarisés. Les
nuits étaient courtes, et comment leur en vouloir ensuite de dormir
sur les
bancs des cours ? N'en faisons pas l'apologie, relatons simplement les souvenirs du quartier,
qui ne se résument pas à une période de certains d'entre nous,
même si les pierres des maisons qui bordaient les ruelles sombres du vieux
quartier ont au fond de leurs âmes l'emprunte de ce vécu.
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Période éthylique

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Ambiance pétard
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Il existe des phrases, des mots, des images, qui perdurent.
Comme dans toute zone habitée la vie s'exprime.
Les sons, les odeurs,
les
langues et parfois les corps se mélangent. Les quartiers populaires
connaissent en général la promiscuité. Il vaut mieux les éviter pour une
retraite méditative. Sans vouloir extrapoler sur l'idée première des dires, et politique mise
à part, monsieur Chirac à droit de citer dans la
collection de sculptures grâce à ses propos, que beaucoup ont mal
compris et interprétés comme une agression verbale. Malgré ces maisons
modestes, à l'image du pouvoir d'achat des ces habitants, beaucoup peuvent
dire qu'ils ont eu la chance de vivre ici. L'appel de
l'abbé Pierre raisonne encore dans bien des têtes, nos parents en
témoignaient y'a pas si longtemps. Nous avions un toit !..
Nous étions de Queyries,
Un village, une grande famille, autant dire que les
préoccupations politique de Paris ne parvenaient que rarement jusqu'a nous.
Mais il arrive que parfois une phrase interpelle parce qu'elle touche
au mauvais moment, au mauvais endroit.
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Les exilés du quartiers Queyries se reconnaîtrons a n'en point douter. Les
pierres qui rythme cette histoire ont toutes été récupérées durant la destruction
du quartier. Elles ont abritées des générations d'hommes et de femmes, elles
ont vu naître et mourir, elles ont protégé du vent et du froid toute une
population. Leur donner une seconde vie est le meilleur hommage que l'on
puisse leur rendre.
Comme il serait heureux que vous qui passez sur
cette page et qui avez pris la peine de lire ce texte qui
relate une époque et un quartier qui n'existe plus , vous puissiez tout
simplement éprouver un fond de compassion et comprendre la nostalgie que
l'on peut éprouver lorsque l'on a vécu dans ce quartier populaire qui n'a
plus vie désormais que dans les mémoires. Vous seriez notre
De Gaulle
à nous.
" Je vous ai compris" !.... On est pas d'un pays ni même d'une ville, on est simplement d'un quartier
!...
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